jeudi 30 septembre 2010

10 raisons pour lesquelles Quebecor (et donc Videotron) s'intéresse aux Nordiques de Québec


Le sport évolue, se transforme. Depuis les premières retransmissions télévisées de la Soirée du hockey en 1952 à l’antenne de Radio-Canada, l’ensemble des relations unissant le sport et le monde des médias est en constante mutation.
 

Pour la plupart des gens, le sport, c’est d’abord l’exploit sportif. Mais derrière cette façade, il y a le véritable nerf de la guerre : le produit que l’on programme et diffuse. Voici les 10 raisons pour lesquelles Pierre Karl Péladeau s’intéresse aux Nordiques :
 

1. Parce qu’à l’ère de la multiplication des chaînes et des plateformes médias, le contenu dynamique est le nerf de la guerre pour engranger des revenus dans le secteur des télécommunications. Parlez-en à Ted Turner qui, le premier, s’est porté acquéreur des Braves d’Atlanta depuis revendus à Liberty Media.
 

2. Parce que Quebecor à lancé TVA Sports et que le futur de la télévision repose sur la télévision spécialisée, au détriment de la télévision généraliste traditionnelle.

Ultimement, Quebecor pourrait privilégier une autre avenue et créer un réseau entièrement consacré à la nouvelle équipe de Québec, un genre de Leafs TV ou de MSG (Rangers de New York + Knicks).

3. Parce qu’en pleine crise des médias – multiplication des chaînes et des supports, fermeture de journaux, création de nouvelles plateformes – les équipes de sport sont des sources de contenu permettant de ralentir le déclin des supports traditionnels.
 

Au Québec comme ailleurs dans le monde, le déclin des médias traditionnels à la fin des années 90 est le produit d’un environnement particulièrement menaçant caractérisé par cinq changements en profondeur : l’apparition de la télévision spécialisée, de nouvelles mesures de l’audience, l’apparition de la télécommande, la naissance du magnétoscope et des messages publicitaires de plus en plus courts.
 

On le devine bien, ce nouvel ordre va contribuer à changer la façon de concevoir, d’acheter et de mettre en marché le sport.
 

4. Parce que le sport est idéal pour faire jouer la convergence et jouer à l’infini les mêmes contenus. La convergence des médias que l’on connaît depuis quelques années est un facteur qui permet de comprendre le succès du couple sport/médias. Car évidemment, la convergence permet un relais publicitaire (et marketing) d’une puissance jamais égalée.
 

Comme je le mentionne en entrevue à la télévision, cette convergence a donné naissance à un nouvel ordre médiatique caractérisé, entre autres, par l’abolition des barrières historiques entre les différents médias. En multipliant les médias, on multiplie les forces.
 

5. Parce que le sport est une extraordinaire plateforme pour le monde de la publicité, de la promotion et de la commandite, trois éléments fondateurs du monde médiatique. Le maillage propriété sportive/propriétés médiatiques prend alors tout son sens.

Je tiens ici à ajouter que l’équipe de vente des Nordiques a déjà fait ses preuves dans ce secteur, récoltant la 6e position dans la LNH en terme de vente de publicité lors de la saison 1995 : publicités sur les bandes, affichages, promotion, commandites, etc.
 

En plus de créer la première mascotte de la LNH en 1986 (Badaboom), d’initier la publicité sur les bandes de patinoire et la publicité sur la glace, Marcel Aubut est à l’origine de la publicité sur les marches d’escalier. Emplacement jugé audacieux à l’époque, la marche d’escalier publicitaire est devenue depuis un passage obligé dans de nombreux amphithéâtres sportifs.
 

6. Parce que le réseau RDS, une machine à imprimer de l'argent, occupe le premier rang de l’écoute des chaînes spécialisées francophones, chez les hommes âgés de 18 à 49 ans et que, sans club professionnel, il ne peut y avoir de station spécialisée dans le sport pour Quebecor.
 

La télévision spécialisée permet un ciblage pointu des clientèles. Les télévisions spécialisées offrent plusieurs environnements très ciblés, des niches stables. Les publics de la télévision spécialisée sont plus restreints mais les canaux thématiques offrent une segmentation serrée. Ils conviennent notamment aux annonceurs qui cherchent à se différencier.
 

(Je tiens ici a rappeler que le modèle d’affaire du CRTC favorise nettement les chaînes spécialisées au dépend des généralistes. C’est profondément injuste mais c’est comme ça.)
 
7. Parce qu’une équipe de hockey à Québec pourrait contribuer à rentabiliser le nouveau réseau cellulaire de Quebecor en augmentant le nombre de clients, hausser le trafic et donc les revenus. Au moment d'écrire ces lignes, la LNH négocie d'ailleurs, avec ses partenaires américains dont Fox Sports pour finaliser une entente relative à la retransmission des matchs de hockey sur téléphone intelligent.
 

Dans le même ordre d'idée, Quebecor a annoncé que les matchs présentés à TSN et RDS seront disponibles sur son nouveau réseau sans fil. Ceci dit, comme le rapporte Vincent Brousseau-Pouliot, « RDS, n'a pas l'intention de partager la diffusion des matchs du Tricolore sur téléphone portable avec son principal concurrent au Québec après la saison 2010-2011. » 

En d'autres mots, Quebecor doit absolument partir à la recherche de contenu pour maximiser son investissement dans son réseau sans fil.
 

8. Parce qu'à l'instar de n’importe quelle guerre commerciale impliquant des médias, les opérateurs sont en compétition les uns avec les autres pour mettre la main sur les clients et les contenus.  
Ainsi, BCE a fait récemment l’acquisition du réseau CTVglobemedia dans une transaction de 3,2 milliards $. Elle est aussi co-propriétaire du Globe & Mail. Enfin, BCE est associé aux Canadiens de Montréal.
 

9. Parce qu’on sait que les nouvelles technologies vont donner naissance à des stratégies publicitaires innovatrices fondées sur la géolocalisation qui permettront aux commanditaires de minimiser la fragmentation des auditoires et l’abondance des messages publicitaires.
 

10. Finalement, parce que le mariage unissant le sport aux géants des médias est une formule éprouvée.

Bell et Rogers sont maintenant propriétaire des Maple Leafs de Toronto. Le club des Rangers de New York est le jouet d’un géant de la câblodistribution (Cablevision) depuis 1997. En 1996, Comcast et Spectacor (mieux connu sous le nom de SMG) achètent l’équipe des Flyers pour la somme de 250 millions $. Ce que compte faire Quebecor avec les Nordiques n’est pas complètement nouveau, qu’on se le dise.

Voir aussi :
Réflexions sur le retour possible des Nordiques - entrevue avec Gilles Parent du FM93
Pourquoi Quebecor s'intéresse aux Nordiques de Québec - entrevue avec Benoît Dutrizac du 98,5 Montréal